
La tragique histoire d’Hamlet
Éditeur : G. Lebovici
1986 | 229 p. | 85,00 €
Traduit de l’anglais par Eugène Morand et Marcel Schwob
« C’est ici une traduction de bonne foi en dépit du proverbe italien ; ce n’est pas un commentaire. Les mots sont représentés par des mots, et les phrases par des phrases. Nous avons fait aussi beaucoup de mécontents. On nous a accusés en France d’avoir recherché l’archaïsme ; et en Angleterre on nous a reproché des néologismes.
Les critiques d’ici n’ont point songé que le style du XVIe siècle n’est plus celui d’à présent. Mettre une période de Shakespeare à la mode d’aujourd’hui, ce serait à peu près vouloir traduire Rabelais dans la langue que parlait Voltaire. Nous avons tâché de ne pas oublier que Shakespeare pensait et écrivait sous Henri III et Louis XIII.
Les critiques d’outre-mer, en premier lieu n’accordent pas qu’on puisse traduire Shakespeare. La grâce de sa poésie disparaît, disent-ils, parmi la prose, et un vers français ne saurait représenter un vers anglais. C’est vrai ; mais le graveur qui fait une eau-forte d’après un tableau n’y transporte pas les couleurs. Il les transpose en valeurs. Si on peut comparer la peinture et la poésie, il faut accorder qu’un poème mis en prose est comme un tableau mis en gravure. Le poème perd le mystère de son harmonie et le tableau la brume de ses teintes ; en échange la prose donne la gloire du verbe et l’eau-forte le tranchant éclat de ses lignes. Tout art est interprétation ; et si la nature peut être interprétée, l’œuvre du poète ou du peintre sont-elles plus rebelles ? »