Traduit de l’allemand et présenté par Roger Lewinter

On ne saurait établir, comme on est trop souvent tenté de le faire, une distinction entre la beauté plastique immédiate d’une œuvre picturale et sa signification profonde. Comme l’a dit Gœthe, « on ne voit que ce que l’on sait ». La compréhension du message de Bosch transforme la superficielle beauté plastique finie en infinie beauté spirituelle concrète. Elle éclaire la structure picturale de l’œuvre et sa profonde cohérence interne : elle est toute entière “logos”. L’œuvre de Jérôme Bosch est véritablement une dialectique entre la réflexion et la vision, la pensée et la forme : elles se donnent vie réciproquement et s’enrichissent.
Correctement entendus, les deux termes ne s’excluent nullement, mais s’unissent en une synthèse supérieure où la forme est spiritualisée, et la pensée incarnée.
Les analyses de Wilhelm Fraenger, d’une parfaite rigueur intellectuelle, sont aussi les plus concrètes et les plus plastiques, car elles partent toujours d’une “phénoménologie” de l’objet : elles ne quittent jamais la réalité du tableau et ne négligent aucun de ses détails, que souvent elles ont été les premières à souligner.
Elles nous apprennent à voir, en nous rappelant que les yeux seuls n’y suffisent pas : voir exige aussi discipline et modestie. Il faut accepter de s’aventurer hors de soi.