Avec les Bourgeois de Molinchart, que nous avons réédités récemment, les Souffrances du professeur Delteil constituent l’essentiel de l’œuvre romanesque de Champfleury. Natif de Laon dont il railla les mœurs provinciales d’une manière qui rappelle l’Issoudun de la Rabouilleuse, Champfleury brosse dans le présent roman, paru en 1853 et également situé à Laon, une caricature de l’enseignement où se concurrencent traditionalistes et libéraux. Les portraits et les péripéties sont plus brièvement esquissés que dans les Bourgeois…, et le trait pour être plus léger n’en est pas moins cruel. Dans le brouhaha des garnements de bonne famille, dans les rivalités des corps professoraux pour attirer les bourses et dans les illusions des braves gens pour promouvoir leur progéniture, – arrive le lunatique professeur Delteil. Toute sa vie est contenue dans l’établissement d’un grand œuvre en un seul exemplaire et sa passion inconnue le laisse sans défense, autre que des vieilles filles abandonnées de la cité, contre les rigueurs d’une société indifférente. Si Madame Bovary fit oublier l’adultère narré dans les Bourgeois…, il n’est pas impossible qu’il y ait du professeur Delteil dans ces autres chercheurs d’absolu, ridicules en apparence, que seront Bouvard et Pécuchet.